VIRGINIE FOLOPPE
"J’explore les possibilités d’un devenir autre dans la rencontre avec des personnes, fictives ou réelles, soit pour reprendre la formule de Deleuze, une dépersonnalisation amoureuse. Mon travail, quelque forme qu’il prenne, est une lutte contre les effractions traumatiques contemporaines qui déclenchent le destin mortifère de la dépersonnalisation ; celui qui a emporté Nelly Arcan en 2009. Dans Putain, le livre de son entrée en littérature, elle écrit : “Vous avez bien cerné le motif de la dépersonnalisation que subit toute chose dans mon esprit, mon père est comme mes clients et mes clients sont comme mon père, ma mère est comme moi et je suis comme ma mère, mais oui c'est vrai que je finis par me perdre dans tous ces jeux de miroir, que je ne sais plus qui je suis à force d'être comme une autre et que je sais pas davantage qui vous êtes à force d'être comme un autre”.Interné alors qu’il était adolescent dans l’institution psychiatrique américaine pour des troubles de la dépersonnalisation selon la définition limitée du très contesté DSM IV, Jonathan Caouette a rendu le vertige de cette désincarnation intime à sa plasticité. Comme Agnès de Cayeux dans In my room rêve d’une “définition du réseau qui s’éloignerait radicalement d’un tout marchand et pornographique” proposant ainsi une forme de dépersonnalisation érotique. Je pense aussi à Chloé Delaume désincarnée par un roman familial tragique et dont l’oeuvre témoigne de l’urgence de l’invention de soi dans des environnements défaillants au sens de Winnicott, soit un champ social qui, trop souvent, menace l’intime en le vidant de sa substance vitale. Dans cette exploration d’une autre voie aux hémorragies intimes contemporaines, ma rencontre intellectuelle avec Hélène Fleckinger, Dona Haraway, Laurie Laufer, et d’autres que je ne connais pas encore ou que j’oublie, est aussi déterminante." Virginie Foloppe
Source & Remerciements : Virginie Foloppe